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Après
Tozeur, redevenus voyageurs, nous avons traversé le grand lac salé
– le Chott El Djerid – pour rejoindre Douz.
Le paysage est irréel. Une sorte de désert miroitant, changeant,
dont on ne sait jamais très bien ce qu’il nous donne à
voir. Soudain, un brouillard, du sable plutôt, qui voile l’horizon
et traverse la route en petites vaguelettes rapides poussées par
le vent. Puis un autocar, perdu dans le sable à une centaine de
mètres de la route, fantôme abandonné. Un peu plus
loin, une pancarte annonce un café. Nous ne nous y arrêtons
pas mais peut-être aurions-nous dû. Une drôle de baraque
au milieu de nulle part. Et puis ça y est, nous entrons dans une
petite ville, nous avons traversé, nous avons vu le grand Chott
El Djerid. Nous traversons Kebili puis nous arrivons à Douz et
là, la route s’arrête net : le désert commence,
le vrai, le Sahara. Tout là-bas, droit devant, c’est l’Afrique.
On rêve, on imagine ... Puis nous rebroussons chemin, et nous trouvons
le petit camping que nous cherchions, au bord de la palmeraie et tout
près des petits commerces. Nous nous y installons et nous en faisons
un petit tour – rapide car il est vraiment petit. On y découvre
alors un univers étonnant, celui des "bikers"…
Les bikers sont des gens très différents de nous et de ceux
que nous avons croisés jusqu’ici, qu’ils soient tunisiens
ou comme nous, étrangers. Les bikers, italiens ou allemands, prennent
le ferry de Gênes à Tunis puis descendent rapidement dans
le sud pour aller faire de la moto dans le désert. Ils voyagent
à plusieurs. Les motos sont parfois transportées dans des
camions ou sur des remorques. Parfois, il y a aussi une voiture, un camping-car
(!), une caravane … Ils sont déjà venus, l’année
dernière, à la même période. Leurs machines
sont extrêmement bruyantes et ils semblent ne pas s’en rendre
compte : il leur arrive de laisser leurs moteurs tourner le temps d’aller
se changer, de discuter avec un voisin … Sympathiques au demeurant,
mais vraiment différents … Qu’à cela ne tienne,
le premier janvier passé, les congés finissant, ils repartent
et le camping est à nouveau vide. Restent encore avec nous un couple
d’anglais, voyageant sac au dos et que nous retrouverons par hasard
à Ksar Hadada, et … nos grands amis depuis : Tonja et Willem,
hollandais, voyageurs d’un an en caravane avec leurs deux petits
garçons, Suryan et Engel.
Je
garde des souvenirs merveilleux de Douz, nous y avons vécu des
moments très simples et très paisibles. Il faisait froid
une fois la nuit tombée mais les journées étaient
magnifiques. J’ai vraiment adoré les quelques jours que nous
avons passés dans ce petit camping et aurais voulu y rester encore.
J’adorais aller chercher le pain le matin. Je saluais d’un
« aslama ! » courtois les deux vieux enveloppés dans
leurs achabias, allongés devant leur porte, près d’un
petit brasero qui gardait le thé au chaud. Ils me renvoyaient ma
salutation. Un peu plus loin, la dame de la laverie me faisait un grand
bonjour depuis que je lui avais donné notre linge à laver.
J’arrivais près de la petite « rue » commerçante
et j’allais chercher deux baguettes dans la petite armoire vitrée
sur le trottoir, devant l’épicerie. Je reprenais deux ou
trois bricoles à l’autre magasin, où le marchand était
devenu une connaissance. En rentrant, je regardais les petits stands de
légumes et cherchais de quoi le déjeuner ou le dîner
serait fait. J’achetais des carottes, des tomates, des oignons verts
ou même, un potiron. Je revenais heureuse et triomphale et nous
prenions un petit déjeuner de rois au soleil. Ensuite, la matinée
passait à rien puis on déjeunait. L’après-midi,
une balade dans la palmeraie ou au petit zoo. Le soir, un trou creusé
dans le sable et c’était le feu, notre grand luxe et notre
grand plaisir. C’était Tonja et Willem qui avait lancé
l’idée, l’ayant reprise d’autres hôtes
du camping. Les cinq enfants s’agglutinaient au chaud devant un
DVD dans le camping-car tandis que nous passions une magnifique veillée
à causer sous les étoiles. Comment ne pas être heureux
? Comment ne pas vouloir rester ? Et pourtant, nous sommes partis, Willem
et Tonja aussi. C’est la logique du voyage, du nôtre du moins.
Nous sommes partis pour Tataouine, et ses maisons troglodytes, pour les
Ksars (les Ksour devrais-je dire), pour d’autres horizons et finalement,
d’autres bonheurs.
Matmata
et les maisons troglodytes |
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De Douz, nous sommes partis pour Matmata.
La route est magnifique et traverse des paysages étonnants. Matmata
est une étape fort célèbre en raison de ses maisons
troglodytes, mais une toute petite ville aussi. Une
maison troglodyte, c’est une sorte de cour circulaire, creusée
verticalement dans le rocher. Si l’on était un peu trop distrait,
on pourrait presque y tomber ! De la cour, sont creusées horizontalement
et en étoile diverses pièces : chambres, salon, cuisine
et quelquefois, greniers. Au fond de certaines de ces pièces, on
trouve parfois une autre pièce creusée encore plus profondément
dans le rocher et qui sert de rangement. Pas d'eau courante bien sûr,
et une installation électrique précaire. Nous sommes d’abord
allés à l’office de tourisme demander à un
guide de nous emmener car nous ne savions pas trop par où commencer.
Il nous a conduits dans l’une de ces maisons – habitée.
Ensuite, il nous a fait « visiter » l’un des deux hôtels
– fort rudimentaires – qui ont été aménagés
dans ces maisons troglodytes, celui dans lequel un épisode de starwars
a été tourné. (Nous aurons rencontré Starwars
trois fois pendant ce séjour : dans le désert près
d’Ong Jmel où subsistent des décors, dans le Ksar
Hadada dont je parle plus bas, et dans cet hôtel.)
Nous avons dormi à Matmata et le lendemain matin, nous avons voulu
aller voir le petit musée. En y allant, nous sommes « tombés
» par hasard sur une
autre de ces maisons. En nous penchant vers le trou, nous avons vu une
dame occupée à ses affaires. Elle nous a vus elle aussi
et nous a fait signe de venir. Nous avons contourné et descendu
la butte, et avons trouvé la porte du couloir d’entrée.
Elle nous y attendait et nous a fait visiter toutes les pièces
de sa maison. Comme elle ne parlait quasiment pas français, nous
avions un peu de mal à nous comprendre mais l’expérience
des visites de la veille nous aidait. Cela a été une visite
très simple et très chaleureuse - motivée sans doute
par le petit apport pécuniaire qu’il occasionnait, mais ce
n’est pas nous qui y trouverions à redire - mais une visite
qui nous a beaucoup touchés. Après le petit musée,
nous avons repris la route vers Médénine.
Les Ksour étaient des greniers collectifs utilisés
par les nomades pour stocker leurs récoltes pendant leurs déplacements.
Ils étaient situés dans des positions défensives
et entourés d'une enceinte plus ou moins fortifiée. Ils
étaient confiés à des gardiens à la fonction
prestigieuse. Ils se présentent comme un amalgame de petites cellules
voûtées, longues et étroites. On peut en visiter un
grand nombre dans la région de Tataouine. Nous en avons visité
quatre.
Métameur.
Le
premier était celui du petit village de Métameur
à quelques kilomètres de Médénine.
C’est un ksar très bien conservé et dont la cour intérieure
est très vaste. Monsieur Hachim Driffi, le propriétaire,
y accueille toutes sortes de manifestations et y héberge régulièrement
les convois de camping-car qui visitent la Tunisie en « voyage organisé
». L’endroit est un endroit de rêve et offre tous les
équipements utiles. Pour le voyageur isolé, il constitue
une magnifique halte car on peut y passer la nuit dans un cadre extraordinaire
et y faire pleins et vidanges (tél : 97 560 533)Le cœur de
l’ancien village, adossé contre le ksar, possède un
petit café installé dans d’autres ghorfas avec une
agréable petite terrasse sur le devant. Nous y avions pris un jus
d’orange (frais !) à notre arrivée, parmi les fumeurs
de chicha. Le lendemain, nous y avons déjeuné en plein soleil,
de chorba (la soupe épicée à variantes multiples
que l’on mange en entrée), de salade tunisienne et de briks.
La halte de Métameur est à bien des égards une halte
incontournable ...
Ksar Jouamaa.
Nous
sommes arrivés à Ksar Jouamaa juste avant
le coucher du soleil. L’endroit était magnifique, comme les
paysages de montagnes que nous avions traversés pour y arriver.
Le Ksar s’organisait de chaque côté d’une sorte
de place, une rue plutôt, le long d’un éperon rocheux.
Avec le soleil couchant, l’endroit, quasi-désert, était
réellement magique. En passant devant certains ghorfas, nous avions
aperçu quelques hommes occupés à des travaux de maçonnerie.
En partant, alors que Christophe était en train de faire un demi-tour
un peu compliqué,un homme nous a fait signe puis s’est approché.
Il nous proposait de passer la nuit dans la cour du ksar. Mais pourrions-nous
seulement y entrer, l’accès semblait bien étroit.
Il nous assurait que oui. Bon. Et eux, dormaient-ils là aussi ?
Oui. Nous avons finalement accepté et y avons passé l’une
de nos plus belles soirées tunisiennes. En retournant au ksar,
le temps de faire une manœuvre délicate pour garer le CC le
mieux possible, nous avons fait un peu plus ample connaissance avec Majid,
qui dirige les travaux de rénovation. Il y avait avec lui un homme
un peu plus âgé et qui ne parlait quasiment pas français
: Joseph. Nous avions été si bien accueillis depuis notre
arrivée en Tunisie que nous avons eu envie d'être nous aussi
accueillants. Nous leur avons proposé de venir dîner avec
nous, ce qu’ils ont accepté. Je me suis mise à préparer
rapidement un repas improvisé pour les recevoir dignement : un
peu de soupe de potiron pour l’entrée et des pommes de terres
sautées au poulet et au romarin. Ensuite, après une sorte
de cafouillage, nous nous sommes tous retrouvés pour dîner
chez eux, et non pas dans le camping-car, dans l’un des ghorfas,
aménagé avec des matelas et des tapis. Il y avait aussi
un troisième convive, un jeune homme, Wallid, qui était
arrivé entre temps. Je n'ai toujours pas bien compris ce qu'eux
avaient compris mais ils avaient eux aussi préparé un repas
et ils sont arrivés triomphalement avec cinq belles assiettes de
couscous. Nous avons mangé le couscous puis les pommes de terre
au romarin. Les enfants ont mangé la soupe (et ... Arthur a mangé
de tout !). Après le repas, nous avons passé une soirée
très douce et très tranquille. Clément s’était
assis à côté de Majid qui s’était mis
en tête de lui donner une leçon d’arabe. Il écrivait
sur une feuille des mots français puis leur traduction en arabe.
Clément s’appliquait ensuite, avec un certain succès,
à les prononcer. Arthur de son côté jouait avec Wallid
et faisait le pitre sous l’œil amusé de Joseph, pourtant
plus réservé. Camille s’endormait dans mes bras. Christophe
a accepté l’offre de café puis nous sommes allés
à notre tour chercher une boîte de Halva (une confiserie
à base de pâte de sésame et d’amandes.) La soirée
s’est ainsi écoulée simplement et chaleureusement
jusqu’à ce que vers dix heures, nous allions tous nous coucher.
Le lendemain matin, nous étions en train de prendre notre petit
déjeuner lorsque Majid a frappé à la porte : il
nous apportait une corbeille de pain frais (que les autres ouvriers avaient
apporté en montant sur le chantier), un thermos de café
et un thermos de lait chaud, ainsi que cinq œufs durs. Nous n’en
revenions pas. Après le petit déjeuner, nous avons encore
fait un petit tour du ksar ensemble et puis il a bien fallu nous quitter.
Nous avons réussi à trouver encore quelques douceurs à
offrir avant de partir et Majid est parti chercher quelque chose pour
Clément. Il est revenu avec une petite gourde à poudre taillée
dans du bois et ouvragée. Il lui a donnée avec ces mots
: « Fais y attention, c’est ancien … » Nous ne
savions pas si nous devions accepter. Nous avons bien un peu protesté
que c’était trop beau mais Clément nous regardait
avec un regard lourd et Majid a insisté. En réalité,
nous étions drôlement heureux de ce bel objet qui nous rappellerait
cette belle rencontre. Nous avons quitté Ksar Jouamaa après
avoir échangé nos adresses. Qui sait, Majid viendra peut-être
bien en France un jour …
Ksar Haddada
Ce
Ksar est immense, quasiment un petit village avec d’innombrables
ruelles et passages, un véritable dédale. Il a été
« lourdement » rénové lors du tournage de Star
Wars (rénovations toutes en piteux état aujourd’hui)
mais ses dimensions le rendent vraiment digne d’une visite.
Ksar Ouled Soltane
Le Ksar Ouled Soultane, qui présente quatre étages de ghorfas,
ce qui est assez rare, est l’un des Ksour les mieux rénovés
du sud tunisien et des plus beaux. Nous l’avons visité en
fin d’après-midi. Il était désert - basse-saison
oblige - et baigné d’une très belle lumière
de fin du jour. Nous y avons étés accueillis par Miled qui
en est à la fois l’âme et le gardien et qui accueille
les visiteurs avec une gentillesse inouïe.
Il y a dans le sud tunisien un certain nombre de villages
abandonnés comme Guermessa ou Douirette.
Ces deux villages sont situés sur des promontoires rocheux et leurs
anciennes maisons acrochées
au flanc de la montagne s’en distinguent à peine, comme si
avec le temps, elles retournaient à la pierre dont elles sont faites.
Nous avions d’abord voulu voir Guermessa. Les paysages que nous
avons découverts en nous en approchant sont époustouflants
: plateaux rocheux, canyons … Nous nous sommes engagés sur
une piste qui devait mener au village mais au bout de quelques kilomètres,
nous avons dû renoncer car les chaos devenaient trop risqués
pour le camping-car. Nous l’avons laissé et avons continué
à pied. Nous avons marché une bonne heure à travers
des paysages extraordinaires, le long d’oueds asséchés,
de terrains entourés de petits murets de pierre sèche et
sommes arrivés au pied du village. Le soleil se couchait et nous
avons décidé de ne pas monter au village mais d’en
faire le tour. Nous avons ensuite pris le chemin du retour car la nuit
tombait. Quel paysage magnifique, encore embelli par les lumières
du crépuscule.
Eblouis par cette première expérience, nous sommes allés
à Douirette. Là aussi, des paysages extraordinaires sur
la route, mais cette fois nous avons pu la suivre jusqu'au bout. Nous
y sommes arrivés dans la matinée et y avons fait la connaissance
d’un jeune guide, Hassan, qui avait grandi à Douirette avant
que celle-ci ne soit abandonnée pour Douirette-Nouvelle, construite
à quelques kilomètres de là. Il proposait de nous
faire visiter son village. Nous avons causé un peu, il était
sympathique et nous avons accepté. La visite était très
intéressante et quand il nous a montré la petite école
coranique où il avait appris à lire, petite pièce
creusée dans le rocher et totalement abandonnée aujourd’hui,
comme tout le reste du village d’ailleurs, ç’était
très émouvant. Penser qu’il avait récité
ses sourates avec les autres petits enfants, à cet endroit précis,
aujourd’hui désert et délabré … Il nous
a montré la petite mosquée, nous sommes montés en
haut du petit minaret. Il nous a fait entrer dans une maison – troglodyte,
comme presque toutes les maisons du village, alignées le long du
flanc de l’éperon rocheux et précédées
d’une petite cour murée. Nous sommes enfin montés
tout en haut de l’éperon rocheux pour visiter le ksar, aux
ghorfas étroitement serrés les uns contre les autres. Quand
nous sommes redescendus, il nous a montré du doigt le petit cimetière
: un petit terrain en contrebas du village, sans enceinte ni clôture,
bordé par trois chemins. Cent, deux cents petits tas de pierres,
tous orientés vers l’est, les tombes. Une pierre dressée
à la tête, une autre aux pieds. Si c’est une femme,
une troisième au niveau du ventre, hommage à la fécondité.
Pas de nom, pas d’inscription. Quand on célèbre les
morts, on célèbre tous les morts …
Gabès,
chez Fathi et Bassma. |
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De Medenine, nous sommes remontés
à Gabès car nous avions besoin de GPL.
Nous avons trouvé sans difficulté la petite station service
dont c’était l’unique commerce, et le patron, peut-être
intrigué par notre camping-car, est venu nous servir. Nous avons
causé un peu. Nous avons causé un peu plus, et là,
à notre stupéfaction, le monsieur nous a dit : » Pourquoi
ne viendriez-vous pas déjeuner à la maison, de toutes façons
c’est l’heure et je vais y aller. Je vous emmène si
vous voulez ! » Nous avons accepté. Nous avons laissé
le camping-car à la station-service et nous sommes tous montés
dans sa mercédès noire, un peu fatiguée mais luxueuse
malgré tout. Je lui ai demandé si cela ne gênerait
pas, nous ne voulions pas créer du travail à sa femme pour
nous. « Mais non, dit-il, on fait toujours beaucoup à manger
pour le cas où nous aurions des invités ! » Nous sommes
arrivés chez lui et il nous a fait entrer dans une grande pièce.
Il y avait des tapis, des matelas le long des murs, des coussins et une
télévision. Nous nous sommes tous déchaussés
et nous nous sommes installés. Sa femme est arrivée et nous
a salués chaleureusement puis nous avons fait la connaissance de
ses deux filles de quatorze et seize ans, non moins souriantes. Il a aussi
deux garçons mais ils n’étaient pas là. Il
nous a expliqué que tout le monde rentre déjeuner chez soi.
D’ordinaire, il fait même une sieste après le déjeuner
mais aujourd’hui il doit passer à la banque ... Les filles
ont apporté les couverts, puis de l’eau, puis des verres
et ont disposé le tout sur une longue table basse devant les matelas.
J’ai proposé d’aller aider et le monsieur à
accepté volontiers. Je me suis levée et me suis dirigée
vers la cuisine – en chaussettes. J’ai croisé l’une
des filles qui s’est empressée d’aller me chercher
des sandales. J’ai fait quelques allers-retours de la cuisine au
salon et la grande table a été bientôt totalement
recouverte de plats : deux assiettes de tajine tunisien (sorte d’omelette
aux légumes cuite au four), une soupière de chorba, un plat
de riz surmonté de viande et de légumes et deux plats de
salade tunisienne au thon. Déception : la femme et les deux filles
avaient déjà déjeuné et ne nous accompagneraient
pas. Nous avons fait honneur au repas et les enfants se sont régalés
du tajine. Pour le dessert, la dame a apporté deux assiettes d’oranges
épluchées, délicieuses. Après le repas, la
dame nous a encore apporté du thé rouge. Ensuite, il était
presque trois heures, il n’aurait pas fallu que la banque ferme.
Nous sommes tous remontés dans la mercédès après
nous être confondus en remerciements auprès de la dame qui,
en plus du reste, nous a donné en cadeau d’amitié
trois jolies assiettes à couscous. Quelle gentillesse, quelle hospitalité
!
En remontant vers Tunis, nous avons voulu nous arrêter
à Djerba. Nous comptions sur les infrastructures
touristiques pour nous y pauser confortablement et laver du linge. Nous
sommes arrivés à la nuit et avons trouvé sans trop
de difficulté l’unique camping de Djerba. Le gardien de nuit
nous a menés jusqu’à l’endroit où nous
pourrions nous installer et nous avons été stupéfaits
de voir que cet endroit était … la plage ! Le
camping est situé en bord de plage et les camping-car doivent en
emprunter un petit morceau pour aller dans le terrain qui leur est dédié.
Comme nous étions, avec un couple de retraités allemands,
les seuls occupants du camping, le petit bout de plage était une
possibilité. Après nous être assurés qu’il
n’y avait pas de risque – nous gardons une certaine méfiance
pour le sable – nous nous sommes installés. Nous avions bien
espéré un camping avec accès à la mer, mais
d’ici à dormir sur la plage ! Le lendemain matin,
nous avons pu nous rendre compte à quel point l’endroit était
idyllique : sable fin, mer turquoise, palmiers … Nous avons déroulé
l’auvent, installé notre magnifique tapis de plastique à
motifs persans, sorti la table et nous avons savouré l’endroit,
lentement. Les deux soirs aussi, nous avons fait un feu. Quelle pause
merveilleuse et inattendue !
Djerba en revanche ne nous a pas enthousiasmés. Nous avions voulu
faire un tour au village le plus proche et avons pris un taxi. Nous n’avons
pas retrouvé la conduite tranquille et amicale du sud, tout le
contraire, une agressivité presque parisienne ! En ville, beaucoup
de froideur. (L’explication, obtenue auprès des gardiens
du camping, serait que le tourisme attire pour le travail des gens de
toutes les régions d’une part, et que le travail y est dur.)
En quittant l’île, nous avons voulu nous arrêter à
Houmt Souk. Nous y avons été accueillis par des attrape-touristes
qui nous ont parlé d’une soi-disant « fête de
la laine » et nous ont conduits chez un marchand de tapis. Nous
avons aussi déjeuné dans un boui-boui où tout était
chiche et médiocre. Nous avons déambulé dans les
petits souks où l’on voulait absolument nous faire acheter
des bibelots. Quelle différence avec le sud que nous quittions.
Nous avons quitté Djerba par la route du bac. C’était
notre première expérience de bac : on s’y entasse
portière contre portière et … on prie pour que la
mer soit calme.
Un petit marchand ambulant se glisse partout et propose sandwiches, œufs
durs, bonbons, chewing-gums ... Christophe parvient à s'extraire
du camping-car et à en faire sortir les enfants pour leur faire
voir les manœuvres du bac, la mer et la lune. Il revient quelques
minutes plus tard avec les enfants et … le petit marchand ambulant.
C’est un adorable petit garçon d’une dizaine d’années
à peine. Il a commencé à parler à Christophe
à propos de son vélo accroché à l’arrière
du camping-car. Il rêve d’un vélo mais sa famille ne
peut pas lui en acheter un. Christophe et lui ont causé un peu
– il se débrouille très bien en français –
puis Christophe lui a proposé de visiter le camping-car. C’est
comme ça que je l’ai vu arriver, un sourire magnifique et
une politesse infinie. Il me dit bonjour puis regarde tout avec des yeux
écarquillés et son bon sourire malicieux. Il s’adresse
à Christophe en l’appelant : « Mon ami ». «
Mon ami, mais … la dame, où elle fait le couscous ? »
Christophe soulève le couvercle de la gazinière, le voilà
satisfait. La visite est finalement terminée et tout le monde ressort.
Le bac est arrivé, les conducteurs se hissent dans les véhicules,
Christophe et les enfants reviennent. Quand le camping-car descend du
bac, on penche la tête pour dire au revoir au petit garçon
qui nous fait de grands signes de la main en souriant. Une belle rencontre
…
Après
Djerba, nous sommes remontés rapidement vers Tunis. Après
le Bardo, puis notre dernier bomboloni, il a fallu prendre le chemin du
port. Nous nous sommes encore arrêtés à Carthage,
pour y dépenser nos derniers dinars en pâtisseries, et nous
sommes montés sur le bateau. Nous y avons été accueillis
par le même équipage que celui avec qui nous étions
arrivés un mois plus tôt. Nous nous sommes reconnus et salués
amicalement puis nous sommes allés nous installer dans notre cabine.
Je n’ai pas eu envie de monter sur le pont.
Les images qui
nous resteront de la Tunisie |
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Certaines images resteront longtemps
dans nos esprits.
Celle des marcheurs de la nuit, enveloppés dans leurs longues achabias.
Celle des vieux à demi allongés le long des maisons et qui
répondent avec un sourire à nos saluts de la main.
Celle des maisons sans fenêtres, apparemment obscures et vides lorsque
la nuit tombe, et dont les portes s’ouvrent sur une cour où
tout a lieu.
Celle des mobylettes, tranquilles, antiques, qui transportent jeunes,
vieux, bébés, grand-mères, quelquefois jeune et bébé
et grand-mère, gamin portant un seau ou un bidon, chargement d’herbe
coupée - lentement …
Celle de cette conduite automobile ralentie qui permet aux ânes
de tirer leurs charettes, aux gamins de jouer, aux jeunes de palabrer
au milieu de la rue, aux vieux de regarder passer le temps, aux uns et
aux autres de se saluer et de se parler, aux vélos de changer de
sens, aux calèches de doubler les vélos, aux taxis de s’arrêter
où l’on veut, en un mot, à chacun, d’être
- tranquille.
Celle des enseignes peintes en bleu sur les maisons blanches : écrites,
dessinées, calligraphiées, elle remplacent si joliment nos
néons.
Celle enfin, du cimetière de Douirette.
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