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L’intérêt
d’être ignorant est que l’on a de belles surprises.
Nous, nous ne savions pas que la Croatie est un pays
magnifique et que les gens y sont formidablement accueillants. Nous avons
découvert avec bonheur la gentillesse des habitants, les paysages
splendides, la côte découpée et la mer turquoise,
les îles au loin, les vestiges antiques, la végétation
de cyprès, d’oliviers, d’orangers et nous sommes tombés
sous le charme de ce pays méditerranéen où «
oui » se dit « da ».
Nous ne sommes restés qu’une quinzaine de
jours en Croatie. Nous y avons vu essentiellement les régions de
la côte. Nous avons d’abord longé l’Istrie, de
Novigrad à Pula en passant par
Porec. Nous avons ensuite fait une petite incursion à
l’intérieur des terres pour aller visiter le parc national
de Plitvice (magnifique) puis nous sommes redescendus
vers la mer, que nous avons longée jusqu’à Dubrovnik,
en nous arrêtant à Zadar, Split
et Trogir. De Dubrovnik, nous sommes
ensuite remontés jusqu’à Split pour y prendre le ferry
et retourner en Italie.
NOTRE ARRIVEE EN CROATIE : NOVIGRAD ET POREC.
Notre première étape croate a été Novigrad,
au nord de la péninsule d’Istrie. Un nom slave, un petit
port de pêche, la pluie épaisse et un bivouac sous les eucalyptus.
Le lendemain matin, nous allons voir les bateaux. Les pêcheurs sont
déjà de retour et s’affairent à démêler
les filets. L’un deux y trouve une petite étoile de mer qu’il
donne sans un mot à Arthur. Notre premier petit bonheur croate.
Un peu plus tard, à Porec, nous devons aller dans
un garage. Le patron nous y donne amicalement une petite leçon
de croate, un vademecum qui nous servira tout au long de notre séjour.
Il s'éloigne puis revient avec des billes en inox, des billes de
roulements à billes qu’il est allé chercher pour les
enfants. Les enfants sont fous de joie. Le problème mécanique
est réglé pour trois fois rien et nous nous quittons avec
des sourires chaleureux et de grands signes de la main.
LES ROMAINS
La Croatie a une longue histoire « antique » et nous y rencontrons
assez vite les romains, du moins ce qu’ils y ont laissé.
A Porec tout d’abord. La longue rue principale
de la petite ville s’appelle encore Decumanus, et l’on devine
l’ancien Cardo - la perpendiculaire qui divisait la ville romaine
en quatre quartiers - sous son nouveau nom slave.
A
Pula ensuite, où se dresse un magnifique amphithéâtre
de pierre blanche, magnifiquement conservé. Nous avons eu le grand
bonheur de dormir en contrebas, sur le grand parking, désert en
cette saison. L’impression était si forte que nous y avons
même voulu y rester une deuxième nuit.
A Pula, il y a aussi l’arc de Sergius (un très bel arc triomphal
de 27 avant JC), le théâtre, le forum et le temple d’Auguste,
mais l’amphithéâtre reste notre plus beau souvenir.
A Zadar,nous avons déambulé
sur l’ancien forum. Il ne reste à vrai dire plus grand-chose
sur cette grande place : quelques colonnes, des pierres taillées
réemployées dans les façades des bâtiments
environnants … Mais cette place s’appelle encore le forum,
et comment ne pas y voir les romains ?
Trogir,
à l’origine fondée par les grecs, est comme Zadar,
une petite péninsule entourée de remparts. On y entre en
franchissant une antique porte de ville en pierre percée dans la
muraille. Trogir est une merveille de petite ville piétonne : aucune
voiture ne pourrait y pénétrer ni surtout y circuler tant
est dense et serré l’entrelacs des petites ruelles dallées.
On déambule heureux et l’on voudrait pouvoir prendre le temps
de tout regarder.
Salona,
fondée par les Illyriens puis conquise en 78 avant JC par les romains,
devint sous le règne d’Auguste la capitale de la province
romaine de Dalmatie. Aujourd’hui, c’est un immense champ de
ruines à quelques kilomètres de Split.
Nous y avons passé une très douce après-midi. Il
faisait beau et le site était désert – du moins de
touristes, car des habitants du voisinage s’y promenaient en causant.
La lumière était magnifique. Les enfants grimpaient partout,
exploraient, jouaient … Nous sommes allés jusqu’à
l’amphithéâtre, à l’autre extrémité
du site. Nous avons longé des parcelles d’olivier, des petits
jardins potagers … Nous avons croisé des gamins qui jouaient
au foot. Nous sommes arrivés à l’amphithéâtre.
Détruit par les vénitiens pour qu’il ne serve pas
de refuge aux turcs, il n’en reste que les départs de voûtes
du premier niveau - bien peu, mais suffisamment pour se le représenter
entier. Presque
sur la grande enceinte de pierre, se dresse une vaste maison ancienne
assez délabrée, habitée à en juger par le
linge qui sèche aux fenêtres. Dans les murs, on reconnaît
les pierres de l’amphithéâtre. Nous avons ensuite longé
d’autres petits parcelles d’oliviers pour aller jusqu’au
théâtre cette fois. Il est bordé par une voie expresse
et à l'air un peu triste. Nous avons rebroussé chemin enfin.
Le soleil se couchait et nous nous sommes arrêtés pour regarder
une dernière fois les ruines dans la nuit tombante.
A
Split enfin, et son célèbre palais de Dioclétien
(245-313) qui est en réalité plus une citadelle qu’un
palais. Le palais se trouve en plein cœur de la ville, il est le
cœur de la ville. Mais la ville se trouve aussi en plein cœur
du palais : comment ne pas être stupéfait de franchir les
remparts et de trouver dans l’enceinte même de l’ancienne
forteresse, une banque, des épiceries, des cafés, des boulangeries,
des supermarchés, des magasins de vêtements ou de chaussures
… Trois mille personnes y ont aussi leur logement ! Il faut dire
que la surface ceinte par les remparts dépasse les trente mille
mètres carrés. L’ancien palais était à
la fois résidence impériale, garnison, il contenait des
temples, un mausolée … Au septième siècle,
les habitants de Salona, détruite par les barbares, vinrent s’y
réfugier et le palais continua sa lente mutation, vers cette endroit
indéfinissable qu’il est devenu aujourd'hui, un endroit étrange
vraiment …
Les paysages et la végétation
En Croatie, nous nous sommes régalés de végétation
méditerranéenne, si douce et si romantique à nos
yeux de « banlieusards». Il y a d’abord eu les cyprès,
les chênes-verts, les
pins et les eucalyptus. Ensuite, les lauriers de César - les lauriers-sauce
- partout. Ils ombrageaient même nos parkings, ce qui nous semblait
presque du gâchis ! Les lauriers roses aussi. Puis les champs d’oliviers,
et de clémentines surtout - un mirage ? Nous nous sommes laissés
tenter pas les petits marchands qui ont leurs étals sur le bord
de la route et nous nous sommes régalés de ces clémentines
sucrées et délicieusement acidulées. A Split, nous
avons déambulé au pied des remparts, sur la promenade du
front de mer. Les grands palmiers se balançaient au soleil. A Dubrovnik
enfin, c’étaient les orangers dans les jardins et sur les
places publiques, des orangers avec de vraies oranges dessus, en pleine
ville … Un rêve !
PLITVICE - le parc national
Les parcs nationaux de Croatie sont réputés. Nous n’en
avons vu qu’un, celui de Plitvice. Si les autres
sont aussi beaux, il ne faut retourner en Croatie que pour eux.
Le site de Plitvice est un ensemble de lacs sur plusieurs niveaux qui
se déversent les uns dans les autres par une série de cascades.
Le jour où nous y étions, il faisait un temps de rêve
et nous étions quasiment seuls. Il y a plusieurs entrées
au parc. L’une d’elle permet d’aller admirer la grande
cascade. On descend un petit sentier à travers bois puis tout d’un
coup, on la voit, sur le flanc de la montagne d’en face. Entre elle
et nous, à une soixantaine de mètres plus bas, un lac turquoise,
et pour le franchir, une petite passerelle sur pilotis avec des airs de
jardin japonais. De fait, cette petite passerelle de bois commence dès
le pied de la montagne et nous emmène jusqu’à la cascade.
L’endroit est merveilleux, la végétation luxuriante,
le lac d’un bleu de lagon, les montagnes … L’endroit
est beau à couper le souffle … sauf que nous ne sommes pas
du genre silencieux dans la famille : Clément était si frappé
par la beauté du lieu qu’il n’arrêtait pas de
hurler son émerveillement et gesticulait dans tous les sens. Christophe
quant à lui a passé la journée à me demander
si je ne trouvais pas ça beau, toute la journée
! Nous avons traversé l’eau turquoise et nous sommes arrivés
au pied de la grande cascade, dans un brouillard de goutelettes d’eau.
C’était magnifique. Nous avons rebroussé chemin et
pique-niqué dans le petit bois en surplomb.
Nous avons ensuite repris le camping-car et sommes allés à
une autre entrée du parc, celle qui permet d’atteindre le
lac supérieur. Nous nous sommes garés puis nous avons été
conduits dans un drôle de mini-bus 4X4 jusqu’au sommet du
parc. De là, il s’agissait de redescendre à pied à
travers bois en longeant ou traversant les différents lacs. Presque
tout le parcours se faisait à nouveau en suivant une petite passerelle
de bois, ce qui donnait à la promenade un caractère joyeux.
Nous avons ainsi traversé sous-bois humides, marais, étangs,
mini-cascades, lacs …
La promenade a duré deux bonnes heures mais les paysages étaient
sans cesse renouvelés et il ne s’agissait que de terrain
plat ou de descente. Arrivé en bas, au dernier lac, on débouche
sur un petit embarcadère. En sautant dans tous les sens comme des
naufragés, on se fait apercevoir du garde, de l’autre côté
du lac. Il vient alors vous chercher dans une sorte de mini bateau du
mississipi. Le soleil se couche. La nuit tombe. Nous sommes tout seuls.
La traversée est magique. On marche encore un peu et on retrouve
le camping-car. Quelle journée !
La côte et les cafés
La côte
croate est une merveille, c’est peu de le dire. Elle est découpée,
bordée de plages et de petites criques, et l’eau y est résolument
turquoise. La végétation méditerranéenne de
pins, de cyprès et d’oliviers ajoute encore au charme. Au
loin, on aperçoit des îles, quelquefois isolées, quelquefois
en chapelets, quelquefois petites, quelquefois très grandes, comme
une autre côte … Etrangement, jamais ou presque, on ne voit
le grand large …
On a beaucoup roulé le long de la côte mais
on n’en a vraiment profité qu’à deux reprises.
La première fois, c’était à Brela.
Nous nous étions installés sur le parking d’un hôtel
fermé (après avoir demandé au café proche
si cela gênait) et nous surplombions la grande plage, que nous pouvions
gagner par un petit escalier. Christophe a fait l’école aux
enfants et je suis descendue à pied. J’ai longé le
front de mer et j’ai trouvé un petit café idéal
pour m’installer et écrire ces carnets. Je suis entrée,
ai demandé si je pouvais brancher l’ordinateur, commandé
un capucino et ai passé deux belles heures tranquilles à
pianoter et à m’amuser de mes airs importants. L’après-midi,
j’ai proposé à Christophe de prendre les enfants et
de les emmener à la plage. Il faisait très doux, il y avait
un grand ciel bleu et du soleil, un rêve. Les enfants étaient
fous de joie rien qu’à l’idée de se mettre en
maillots. Nous avons trouvé les seaux, pris un goûter, des
pulls et descendu le petit escalier solennellement. Christophe, qui n’aime
pas beaucoup la plage pourtant, n’a pas résisté et
s’est joint à nous. Nous étions tout seuls. Les enfants
ont passé deux heures en maillot à jouer avec l’eau
(le 10 novembre !) Nous avons passé une après-midi merveilleuse
à savourer cette douceur de « fin d’été
».
La deuxième fois, c’était en descendant
à Dubrovnik. Il était tard, nous cherchions un endroit pour
passer la nuit. Soudain, nous voyons une pancarte de camping sur le côté
de la route. Contre toute attente - en cette saison, tous les campings
sont fermés - il était ouvert. Le peu que l’on pouvait
en voir à la nuit semblait agréable : les emplacements étaient
situés sur d’anciennes terrasses de culture d’oliviers.
A part nous, il y avait un seul autre camping-car, anglais. Nous nous
sommes installés. Le
lendemain matin, il faisait magnifique et très doux. Nous avons
fait un petit tour de repérage et nous sommes aperçus qu’à
vingt mètres de notre emplacement, le camping surplombait une crique
de galets à laquelle on descendait par un petit escalier. L’eau,
au risque de se répéter, était turquoise et transparente.
D’en haut, appuyés au garde-fou, on aurait pu rester des
heures à regarder la mer et les îles. Le soir, c’était
le spectacle, toujours recommencé, toujours différent, du
coucher de soleil. Les anglais, des retraités qui avaient vendu
leur maison pour voir le monde, sortaient leurs fauteuils et s'installaient
pour regarder la vue. Ils étaient là depuis plusieurs jours.
Ils ne savaient pas quand ils partiraient … Nous avons été
très heureux dans ce camping où nous avions la petite crique
pour nous tout seuls. Le premier jour, nous y avons même descendu
la table de pique-nique pour y déjeuner. Une vraie fête.
Et puis, une plage de galets, pour jeter des cailloux dans l’eau,
peut-on rêver mieux ?
SENJ
A
Senj, petit port où nous avons fait une courte
étape, le temps de monter à la forteresse, on prépare
l’hiver. Partout, devant les maisons, des tas de bois. Ici ou là,
un homme, entouré de gamins, s’occupe à fendre du
bois. Les petites rues résonnent. Le tas grossit, confus, qu’il
faudra ensuite ranger soigneusement. Les coups de hache, le bruit creux
et sonore du bois qui tombe. Souvenir d’enfance. A Senj aussi, l’eau
du port est tellement transparente que les enfants s’amusent à
jeter des cailloux dans l’eau et à les voir descendre jusque
sur le sable …
DUBROVNIK
Dubrovnik,
c’est avant tout les magnifiques remparts, ponctués de tours
rondes majestueuses. C’est la pierre dorée des remparts sur
le bleu de la mer, et puis les palmiers et les orangers.
Dubrovnik se remet de la guerre qui l’a effroyablement meurtrie
- on s’en souvient. De gros travaux ont été faits
qui lui ont rendu sa beauté d’autrefois. Lorsque l’on
a franchi ses portes, on la découvre piétonne. Elle s’organise
autour d’une longue place qui s’étire d’un bout
à l’autre de la ville et que bordent de petites échoppes,
toutes identiques dans leur construction. Des petites rues en partent
perpendiculairement et montent vers le flanc de la colline. D’autres
rues, d’autres petites places, et des échappées soudaines
sur la montagne ou sur la ville. On peut passer de longs moments à
Dubrovnik, à déambuler dans ses ruelles pittoresques, à
savourer un capuccino à la terrasse d’un café devant
une façade baroque, à visiter ses églises …
On peut aussi y passer une paire d’heures à arpenter l’interminable
chemin de ronde et à collectionner les points de vue depuis ses
remparts, sur la mer, sur les toits de tuiles, sur les montagnes ... Dubrovnik,
c’est aussi la ville des orangers sur les placettes. Une ville à
part. Majestueuse. Souveraine.
La guerre
Au poste frontière, dès notre entrée en Croatie,
nous avons vu un jeune homme qui n’avait plus qu’une jambe.
Puis un autre, quelques jours plus tard. Nous n’avons pas pu ne
pas remarquer non plus les nombreuses places réservées aux
handicapés dans les parkings publics, jusqu’à dix
quelquefois pour un petit parking. Pour le reste, nous n’avons pas
vraiment vu de signes de la guerre. Sur la côte, tout a été
remis en état, il ne reste aucun signe du désastre. A l’intérieur
du pays toutefois, des anglais que nous avons rencontrés nous ont
dit que certaines régions étaient encore très marquées.
Ils nous ont dit aussi avoir vu beaucoup de maisons endommagées,
laissées en l’état, avec toutefois une maison en construction
à côté. Ce sont les anciennes maisons de ceux qui
ne sont pas revenus - serbes, disparus … Les croates parlent souvent
de la guerre. Comme d’une catastrophe absurde qui a fait beaucoup
de mal et n’aurait jamais dû arriver. Ainsi, à Dubrovnik,
où le camping vient d’être réouvert. Les patrons,
qui possèdent et administrent le terrain depuis une vingtaine d’années,
sont en train de travailler à le remettre en état. Il avait
été réquisitionné pendant la guerre. Il a
fallu tout reconstruire. A Dubrovnik encore, nous avons rencontré
un soldat canadien en permission, membre des forces de maintien de la
paix, stationné en Bosnie. Il dit que là-bas, tout est très
fragile, et que tout pourrait recommencer demain.
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